On ne peut pas dire que l’industrie du Bagel soit extrêmement développée à Buenos Aires. Cela faisait d’ailleurs un bail que l’auteur de ces lignes n’en avait pas vu la couleur avant d’entendre parler d’un « gringo » à bicyclette qui vendrait des bagels de saumon aux alentours de Lattente. Je suis donc allée à sa rencontre avec l’ambition d’en savoir plus autour d’un bon café !
Sheikob (en fait il s’appelle Jacob Eichenbaum-Piksen mais c’est quelque peu imprononçable) a découvert Buenos Aires lors d’un semestre d’étude en 2009. Et, comme beaucoup, a choisi d’y poser ses bagages pour de bon quelques années plus tard. Mais la nostalgie d’un bon bagel new-yorkais était trop forte. Un bagel, pour lui, c’est un peu « comme un croissant pour un porteño », nous confie-t-il.
Peu à peu, cette lubie s’est transformée en un petit commerce via Facebook avant de devenir un « pop-up » hebdomadaire – il a maintenant son propre local -, faisant de Sheikob ce qu’il est aujourd’hui : The Lord of the Bagel (bah, du moins pour nous à Buenos Aires).
Ci-dessous une interview réalisée en 2016 :
Qu’est-ce qui rend un bagel authentique ?
Sheikob : C’est avant tout une question de texture. Un bagel, à la différence d’autres types de pains, doit avoir une croûte un tantinet difficile à mâcher (« chewy » en anglais). C’est quelque chose qui n’est pas évident à saisir pour les gens qui ne sont pas habitués aux bagels. Ils ont tendance à les trouver trop cuits ou passés de date. Or, c’est fait exprès !
Le bagel classique est servi avec du fromage crémeux et un poisson fumé (le saumon fumé est le classique parmi les classiques). Si vous êtes sur le point de manger votre premier bagel, choisissez celui-là.
C’est difficile de vendre des petits déjeuners salés au pays des medialunas ?
Sheikob : Oui, surtout quand on parle de bagels au poisson. À chaque fois ou presque que je vends mes bagels le matin, quelqu’un me fait la remarque : « Du saumon à cette heure-ci ? T’es fou ! » C’est pourquoi nous travaillons plutôt à l’heure du déjeuner ou du brunch. Pour ma part, j’aimerais bien commencer plus tôt, d’autant que pour moi un bagel avec du fromage crémeux c’est plus ou moins la même chose que des tartines avec du fromage frais.
Qu’est-ce que tu penses de la cuisine argentine ? Qu’est-ce qui est bon et qu’est-ce qui l’est moins ?
Sheikob : Je suis un fan inconditionnel des bistrots porteños où tu te sens comme chez ta grand-mère. Asado au four, poulet aux légumes, gnocchis à l’étouffée. Pas seulement pour la nourriture mais aussi pour le rythme : on prend le temps… Il faut parfois compter une demi-heure pour un café et ça, ça me plaît. Ce qui me plaît moins c’est parfois le manque de considération pour les produits. Il y a tout un tas d’endroits bien pensés, avec de bons chefs, mais qui travaillent avec des ingrédients de piètre qualité. Heureusement, c’est en train de changer. Il faut continuer dans cette voie-là.
Qu’est-ce que le Maître des Bagels aime manger ? Un endroit préféré à Buenos Aires ?
Sheikob : J’aime beaucoup Gran Dabbang, Proper (fermé) et Los Galgos. Parmi les bistrots, j’aime beaucoup Norte dans le Centro et Albamonte à Chacarita. J’adore aussi prendre l’apéro avec de bons amuse-gueule comme à Varela Varelita, à Palermo ou chez Hans Cerveceria dans le Centro. Et puis NOLA, bien sûr, tous les dimanches, après en avoir terminé avec mes bagels.
Pourquoi Buenos Aires ? Qu’est-ce qui la rend si spéciale ?
Sheikob : Au départ, c’était surtout une question de qualité de vie, avec notamment la place du travail dans la vie de chacun. New York est si chère que la plupart des gens travaillent au moins quarante heures par semaine, et parviennent à peine à payer le loyer et la bouffe. Ils partent travailler le matin, reviennent tard, regardent une série et se couchent. Tous les jours.
Quand je suis arrivé à Buenos Aires pour la première fois en 2009 et que j’ai vu les gens qui allaient à des ateliers, jouaient de la musique dans des groupes, organisaient des centres culturels clandestins, j’étais sous le choc. Et j’ai tout fait pour revenir vivre ici, au moins pour un certain temps.
Tu as pensé à ouvrir ton propre local ?
Sheikob : Oui, ce serait l’idéal. J’adore travailler dans la rue avec mon vélo mais avoir un endroit nous ouvrirait plein de possibilités. Pour le moment, on avance pas à pas. Mais il suffirait que l’on tombe sur des gens qui voient les choses comme nous et qui pourraient nous aider à faire les choses bien.
* NOTE : En 2017, un an après l’interview, Sheikob a ouvert son propre local de bagels. Notre article est à lire ici. Il est également tous les jeudis à The Shelter Coffee.
Photo : Evaly Contreras
* Traduction Nicolas Zeisler