Vous entrez dans une maison comme si c’était celle d’un ami – un ami plein aux as, évidemment. Vous choisissez de vous asseoir au comptoir et en quelques secondes on vous souhaite la bienvenue avec un sourire et on vous demande ce que vous avez en tête. Si vous les connaissiez, ce seraient vos amis intimes. Si vous ne les connaissez pas, vous ne ferez pas la différence.
La carte va vous intriguer car elle est restreinte mais travaillée et fraîche. C’est votre première fois aux Tres Monos mais vous allez avoir l’impression que vous êtes de retour dans votre endroit préféré.
Difficile de surprendre Buenos Aires. On nous a envoûté avec des bars sophistiqués avec des cocktails aux noms interminables, on nous a intrigué avec les bars clandestins, on nous a choyé avec les bars populaires qui servent des cocktails en promo et des tapas stylées, on nous a invité à découvrir de nouveaux quartiers qui offrent aussi des endroits classes. On a aussi parcouru toute la ville sur les talons des bartenders et des bars de niche, on a expérimenté maintes propositions thématiques, et aujourd’hui on pourrait même suivre des cours de cocktailerie dans beaucoup de ces endroits.
Que nous reste-t-il à découvrir et – plus important – que nous reste-t-il à boire ?
Sebastián Atienza, légendaire bartender de référence en Argentine, est l’un des cerveaux de ces trois singes sages situés à Palermo (même si le bar n’est pas dans l’épicentre bouillonnant du quartier et qu’il n’y a pas foule devant sa porte).
Les autres têtes pensantes qui donnent vie aux originaux cocktails-singes sont Manuela Diker (ex Kinky Bar) et Esteban Varela.
Pourquoi « tres monos » (trois singes en VF) ? Ils évoquent les célèbres sculptures japonaises qui ne voient, n’écoutent et ne parlent pas, mais au-delà d’un concept de la justice, ils sont liés à la capacité qui doit être celle du bartender : savoir se maintenir à la marge et toujours au service du client, le vrai protagoniste.
D’où aussi l’offre restreinte et séduisante de cocktails (et plats), qui soit dit en passant comble les attentes de celui qui s’assoit sur l’un des tabourets pour voir la magie à l’œuvre.
Un exemple : l’un des cocktails les plus innovants se trouve être le « Milicilin », qui a la même base qu’un Penicilin mais est préparé avec un Johnnie Walter Black macéré ainsi que du gingembre, du citron, avant d’être éclairé par un peu de lait. Sans parler du « Ascendente En Mono », avec du Monkey Shoulder macéré avec du palo santo, de la rue, du sel de Jujuy et du tonique à l’orange, au coing et au vin blanc. Le Grosera est déjà un symbole, avec ses groseilles blanches et son cidre à la poire, entre autres ingrédients. Ils ont même été jusqu’à ouvrir leurs portes au grenache du Desquiciado combinée avec du gin Apóstoles et du cognac pour l’un des cocktails les plus exclusifs de l’établissement. Chez Tres Monos, tout est expérimentation, avec la volonté de tirer parti des boissons et produits locaux.
S’y restaurer ne signifie pas seulement accompagner les boissons : tout a une importance spécifique. Tempura d’avocat et champignons, empanadas de matambre a la pizza, riz aux trois laits et autres recettes de chefs amis.
Et même si Tres Monos n’est pas un bar du genre speakeasy, la sensation de faire partie d’un événement intime qui a lieu cette nuit (et toutes les nuits) dans une maison qui pourrait être n’importe laquelle en ville, la carte qui semble avoir été gribouillée sur du papier, la superbe sélection musicale, les discrètes photos qui illustrent ses réseaux sociaux, tout est fait pour qu’on se sente dans un lieu vraiment exclusif.
On a même du mal à se faire à l’idée qu’Atienza est l’un des bartenders les plus connus du pays, car, pour lui, chaque discussion comme chaque cocktail doit être unique. C’est pourquoi il y consacre autant de temps et de courtoisie.
Tout chez Tres Monos a un air de souvenir, d’anecdote photographiable, y compris par la mémoire de celui qui entend garder le secret sans le viraliser. Cela dit, on se doute que l’on sera nombreux à devenir des habitués de cette maison d’amis qui rendent un culte au savoir vivre.
Tres Monos Bar
Guatemala 4899 – Palermo
Du lundi au jeudi, de 19h à 01h30 ; vendredi de 19h à 03h30
Samedi de 20h à 03h30 ; dimanche de 20h à 01h30
Prix : $ $ $