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A la rencontre de Grégoire Fabre, le français qui fait redécouvrir aux argentins leur propre pays

Avant de l’interviewer pour BAC, nous connaissions déjà Grégoire. Nous nous étions croisés dans notre Languedoc natal, il y a déjà bien longtemps. Il était alors un adolescent aux boucles blondes. Plus d’une décennie plus tard, nous le retrouvons à Buenos Aires, à San Telmo plus précisément.

Son sourire et son air avenant n’ont pas changé. Originaire du Sud de la France, Grégoire est installé à Buenos Aires avec sa fiancée depuis plusieurs années. Un jour à San Telmo, ils ont découvert un bâtiment plein de charme et quasiment en ruine: il était en vente pour faire une tour d’immeubles. Ils ont décidé de l’acheter. Après plusieurs années de travaux (4 ans juste pour le gros oeuvre), beaucoup d’amour et de persévérance, ils ont ouvert la Pulpería Quilapán, une auberge au concept inédit. Aujourd’hui, il partage avec nous sa passion pour les saveurs authentiques, autour d’un verre de vin. On ne pouvait imaginer de meilleures retrouvailles pour deux audois tout deux issus de familles vigneronnes.

Comment es-tu arrivé à Buenos Aires ?

Alors d’abord, je ne suis pas arrivé seul mais avec Tatiana, ma fiancée. Notre idée c’était d’apprendre l’espagnol et de découvrir l’Amérique du Sud. Puis on s’est rendu compte qu’il y avait énormément de petites villes dans cette ville. On a pris le parti de changer d’appartement et de quartiers tous les mois pendant un an. Du coup, on a voyagé à l’intérieur de Buenos Aires. Puis on est resté. Ma fiancée a décidé de reprendre ses études d’architecture et moi je me suis inscrit à la fac de droit. Et finalement, on a ouvert la Pulpería Quilapán.

Comment est née l’idée de la Pulpería Quilapán ? Aviez-vous le projet d’un restaurant ?

Non, pas du tout. Nous avons d’abord eu l’idée d’ouvrir un endroit où vendre du fromage. Nous nous sommes aperçus qu’il y en avait de très bons dans l’intérieur du pays et dans la province de Buenos Aires. D’ailleurs, actuellement notre sélection de fromage à Quilapán est ce qui fait notre fierté.

Tout a commencé avec le fromage donc, en bon français…

Oui ! Puis nous avons aussi découvert l’histoire des pulperías, ces établissements traditionnels de la Pampa qui étaient à la fois des lieux de ravitaillement mais aussi des lieux de rencontre. La Pulpería Quilapán s’articule autour de ces idées-là : c’est un bar, où l’on peut manger et boire, un almacén (magasin) où l’on peut acheter des produits locaux de qualité et un club social où l’on propose des activités variées (par exemple, il y a quelques semaines nous avons élaboré notre propre vin, et nous avons invité les voisins à faire le foulage au pied des raisins. Nous avons proposé aussi une dégustation de bières, des cours de peintures, etc).

Ce qui attire l’attention c’est le slogan de la Pulpería « Le meilleur de l’Argentine pour les Argentins », peux-tu nous en dire plus ?

Effectivement d’un point de vue personnel, c’était une grande motivation. D’abord, l’idée de faire redécouvrir aux porteños leur histoire. Cela passe par tous les objets qui sont exposés: par exemple le premier tracteur et la première télévision de fabrication argentine, la machine à pop-corn, le mobilier et même les assiettes. Ici il n’y a pas de décoration, tous les objets ont un sens. Tout ce qu’on achète est argentin, tout ce qu’on offre est argentin.

On veut montrer aux gens que l’on peut faire beaucoup de choses en Argentine, qu’il y a tout en Argentine. Ici, beaucoup pensent que c’est un gage de qualité quand le produit vient de l’extérieur. Alors qu’il y a vraiment localement des producteurs de fromages d’exception, des producteurs de vins d’exception. Il y a des gens qui font un excellent travail. Nous, on veut remettre vraiment dans le centre de la discussion le producteur qui est engagé et le consommateur qui est responsable et qui a envie de savoir pourquoi le produit est bon.

Mais en fait, pour nous, même si la priorité c’est d’avoir des produits argentins de qualité, c’est juste un prétexte pour créer des liens autour de ce produit. Ce qui nous intéresse plus que le bon produit, c’est le lien qui va se tisser entre le producteur et le consommateur.

Comment les gens réagissent à cela ?

Alors les réactions des gens sont très fortes, ils ne sont pas indifférents. Plus de 60% des personnes répondent au formulaire de satisfaction à la fin du repas. Je crois que les portègnes s’identifient à la pulpería, ils retrouvent des objets de leur enfance, c’est un musée que les gens peuvent s’approprier. Il y a peu d’endroits ainsi. Ils sont honorés que l’on respecte leur histoire. En toute humilité, ce qui nous intéresse ce n’est vraiment pas le touriste, c’est l’Argentin enfin c’est surtout le voisin, les habitants du quartier. D’ailleurs, nous recevons beaucoup de dons de voisins qui nous offrent de vieux objets et préfèrent nous les donner pour être exposés plutôt que de les jeter.

Quand on pense à l’agriculture en Argentine on pense plutôt à l’agriculture massive et intensive. A la Pulpería Quilapán vous proposez des produits élaborés par des petits producteurs locaux. Comment les avez-vous déniché ?

Oui, c’est vrai qu’une partie de l’agriculture argentine est liée à l’extensif, mais le monde des petits producteurs, c’est aussi une réalité ici. Par exemple, il y a 10 ans on trouvait une quinzaine de vins à la carte produits par les mêmes grandes caves. Aujourd’hui ces vins sont toujours là mais en parallèle, il s’est développé une offre importante de « bodegas boutiques » qui cultivent sur de petites surface. A l’échelle nationale, il existe plus de 3000 producteurs de vino patero [équivalent argentin de vin de garage NDLR]. C’est énorme. Pour les producteurs de fromage, en ce moment on travaille avec une vingtaine d’entre eux mais au préalable, on en avait sélectionné plus de soixante. Chacun présentant cinq ou six types de fromages différents, c’est beaucoup. En tout, on travaille avec 300 producteurs différents. On les a trouvé principalement en faisant les marchés. Il existe plein de marchés qui ont lieu régulièrement dans toutes les villes d’Argentine. Les maisons de province à Buenos Aires font un travail de promotion aussi. Puis ensuite les liens se créent, les producteurs se connaissent entre eux et finissent par nous passer des contacts.

Quel est le plus important pour toi dans ton travail ?

C’est de mettre en valeur le produit argentin et cette relation qui se crée autour. Ce qui est intéressant dans ce projet, c’est l’esprit général, c’est le monde de la tradition argentine. Notre but c’est d’aimer et de réapprendre à aimer l’Argentine, mais d’une manière réelle, pas d’une manière naïve. Tous les produits que nous proposons sont argentins et quand on fait une dégustation à l’aveugle on se rend compte qu’ils sont vraiment extraordinaires. Par exemple, ce pain que tu viens de manger tu l’as aimé? Et bien il est fait avec un levain au petit lait de buffle. Étonnant non? Ce qui est important pour nous c’est que des personnes un peu aigries par rapport à leur culture reprennent goût à tout ça.

En tant que français, qu’est-ce qui a été le plus facile ou le plus difficile pour toi à Buenos Aires ?

Les questions du genre « quel est ta chanson préférée ? Quel est ton plat préféré ? » j’en ai strictement aucune idée… (rires). Il n’y a pas quelque chose de facile, quelque chose de difficile, il y a une réalité qui est dans la continuité et dans l’abnégation au quotidien.

Le plus difficile à comprendre c’est l’absurdité de certaines situations qui, en Argentine, sont totalement extrêmes et qui n’ont pas de logique. Ce peut être l’administratif, ce peut être aussi d’une manière un peu plus triste l’insécurité ou la corruption. C’est quelque chose qui n’a pas de logique parce que quand on fait « a+b » tout va bien, tout devrait aller bien. D’un autre côté, ce manque de logique dans certains domaines fait que certaines choses fonctionnent beaucoup mieux. Mais jamais cela permettra un équilibre, car s’il y a des règles, il faut qu’elles soient respectées.

Qu’est-ce qui te plaît de la vie à Buenos Aires ?

C’est de pouvoir s’émerveiller au quotidien. On est dans un pays où le climat change tout le temps et les gens sont très sensibles au temps. Ça fait des gens hystériques et merveilleux…

Qu’est-ce qui te manque le plus de la France ?

Moi j’ai une manière un peu radicale de voir les choses. C’est-à-dire que quand je ne suis pas quelque part, je suis mort pour cet endroit. Et quand je reviens, je suis en vie dans cet endroit à nouveau. Car quand je suis ici, les gens qui sont là-bas ne bougent plus.

Qu’est-ce que tu retrouves le plus avec plaisir alors ? Certaines saveurs de ta terre natale ?

Quand je reviens dans mon village, tout me fait plaisir. Retrouver le nom des rues, croiser des vieilles dames, sentir certaines odeurs, entendre les grincements de la porte qui grinçait déjà quand j’étais petit. Et manger des fruits de mer, des huîtres. Du fromage non, j’en mange tous les jours de l’excellent, ça me dérange pas trop. Et bien-sûr après aussi retrouver la famille, ça c’est merveilleux. Quand je suis ici ce n’est pas que je ne pense pas à eux, mais ils ont leur vie, et moi la mienne. C’est fantastique de pouvoir s’appeler, mais il y a des choses que l’on ne peut pas comprendre s’il on n’est pas ici, comme il y a des choses que l’on ne peut pas comprendre si l’on n’est pas là-bas.

Photo: Aude Labadie

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