4 livres sur l’amitié recommandés par Tani, fondatrice de la libraire La Sede, à Bariloche.
Cuál es tu tormento de Sigrid Nunez, édité par Anagrama. Souvent mentionné pour avoir inspiré le dernier film de Pedro Almodóvar, ce roman propose, dans un style moderne, digressif une réflexion sur ce que le langage peut changer et ce qu’il ne parviendra jamais à changer. Divisé en trois chapitres, comme l’entrée d’un nageur dans la mer, par étapes, nous commençons par nous mouiller les pieds avec l’histoire d’une femme qui rend visite à son amie à l’hôpital, mais à qui il arrive également une série d’événements inattendus. Dans les deuxième et troisième parties, nous plongeons pleinement dans une histoire de compassion face à la vieillesse et la maladie, et aussi, dans une aventure (comme elles l’appellent) qui est une des raisons d’être de l’amitié.
Acequia d’Amaury Colmenares, édité par Sigilo. Ces derniers temps, je mentionne ce livre sous n’importe quel prétexte et je suis bien contente d’en avoir un nouveau avec cette chronique. Parmi les nombreux éléments à retenir de ce roman, lauréat de la première édition du prix Las Yubartas, il y a une histoire entre deux amis. Ces derniers échangent, dans le cadre de conversations téléphoniques touchantes, mais ne se sont pas vus depuis de nombreuses années, par décision de l’un d’eux qui, après un événement traumatique, décide de se cacher du monde. Je ne voudrais pas que vous fassiez fausse route : ce roman n’est pas un drame, bien au contraire. Acequia est construit par fragments, telle une mosaïque d’histoires se déroulant à différentes époques, dans un même lieu : Cuernavaca, cette ville mexicaine où je n’ai jamais été, mais d’où me viennent de vives images, grâce à Amaury Colmenares. Le lien qui unit ces deux amis est, tout au long de ce roman-puzzle, le fil conducteur qui ne nous lâche pas la main. Leur humour fraternel teinte tout le livre de ce qui définit tant l’amitié que la littérature : une grande conversation passionnée sur n’importe quel sujet.
Nunca me dejes de responder, d’Estefanía Eizenhofer et Lucila Quarleri, édité par Bombal. Cette maison d’édition n’existe plus, et probablement l’exemplaire qui reste dans ma librairie est l’un des derniers qu’on puisse trouver, mais je ne voulais pas manquer de le mentionner, en guise d’hommage. Dans ce livre épistolaire, deux jeunes filles, trop jeunes pour parler de ces sujets, se tiennent compagnie à travers des emails lors de leurs maladies respectives. Cancer et sclérose en plaques sont les diagnostics qui surgissent à peine fini cet âge doré et chaotique qu’est la vingtaine. La promesse de ne jamais cesser ces échanges est un fil qui soutient deux voix, deux corps, à distance. Bien sûr, quelle autre jeune femme d’une vingtaine d’années pourrait comprendre ce que vivent, pensent, ressentent, fantasment, imaginent, désirent ces deux filles ? Un joyau sur l’amitié et la maladie dans la jeunesse, une sorte de miroir du roman de Sigrid. Je ne crois pas que ce soit une coïncidence : ni la famille ni le couple ne peuvent supporter les confessions dont nous avons besoin dans les moments les plus liminaux de la vie comme le fait une amie. (À la mémoire de Lucila Quarleri, que je n’ai connue qu’à travers son écriture, et à qui j’ai eu envie de dire combien l’écrivaine qu’elle était me fascinait. Les écrivaines et écrivains ne sont-ils pas des ami.e.s que nous aurions aimé avoir ?)
Elena también de Yael Frankel, édité par Periplo. Un livre pour enfants. Car, pour un enfant, il n’y a rien de mieux qu’un autre enfant. Dans cette histoire au trait très simple, c’est exactement ce qui est raconté. Une petite fille qui en invite une autre à sauter à la corde, et les étapes préalables à ce grand moment. Un trésor d’une beauté infinie.
