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Mi amigo de Belleville

Un médecin argentin arrivé il y a 40 ans en France, y est devenu un marionnettiste reconnu. Tout au long de sa vie parisienne, Diego Stirman n’a jamais oublié ses amis de toujours.


 

Ce mercredi, dans son théâtre de Belleville, entouré des marionnettes qu’il a lui-même fabriquées, Diego Stirman dit avoir un plan. Il y a cinquante ans, en Argentine, il jouait au volley professionnel, tout en étudiant la médecine, et ce samedi, il veut participer au dîner de retrouvailles avec ses amis du club Sholem Aleijem dans un restaurant de Buenos Aires.

« Je me suis dit que je pouvais prendre un billet et débarquer par surprise ». La visioconférence n’enthousiasme pas ce marionnettiste originaire de Villa Crespo, que ses amis ont vu obtenir son diplôme de médecin généraliste. Cela fait plus de quatre décennies que Stirman vit à Paris, ville qui l’a mené à échanger la blouse médicale contre le gilet de présentateur.

Sur un décor dessiné à la main, une marionnette de Christophe Colomb enfant entre en scène. Tandis que ses parents se retiennent de lui parler en yiddish – c’est l’Espagne de l’Inquisition – il leur exprime son désir de découvrir le monde. Il pose aussi des questions aux enfants du public, avec un accent portègne, raconte des blagues plutôt destinées aux adultes et adresse des clins d’œil en « frañol », un mélange de français et d’espagnol, au cas où il y aurait un hispanophone dans la salle.

Un peu plus tard, la manivelle que Stirman fait tourner sur le côté de la scène soulève un océan sur lequel vont naviguer les caravelles qu’il porte sur sa tête. Colomb guide sa troupe vers l’Amérique et l’épopée s’interrompt net : c’est l’heure de la publicité. Avec des ‘R’ bien profondes et étirées, il proclame : « Sardines Ramirez, la seule sardine aussi heureuse dans la boîte que dans la mer. Sardines Ramirez : No me toques… »

« La Véritable histoire de Christophe Colomb » est l’une des quatre pièces à l’affiche que l’Argentin joue chaque dimanche. Ses affiches sont suspendues à une guirlande dans la vitrine de El Clan Destino, le théâtre qu’il a fondé il y a 16 ans.

Bien qu’il ne se sente ni d’ici ni de là-bas, et à la fois un peu d’ici et peu de là-bas, la façade de sa salle le trahit : le nom de l’espace est décoré dans le style fileteado et un imposant maté dessiné lève définitivement le doute. Au-dessus, derrière la vitre, il y a des marionnettes et des morceaux de marionnettes, des coupures de journaux et des critiques du magazine Télérama, qui disent que cette pièce vaut le détour. « Un ami, Daniel Pennac, m’a mentionné comme faisant partie du paysage de Belleville », raconte-t-il presque en passant, à propos du célèbre écrivain, résident de ce quartier multiculturel, comme Edith Piaf en son temps, et considéré comme le « plus cool » de Paris en 2024 par le magazine TimeOut.

Ses spectacles sont inspirés de ses expériences, bien qu’il précise : « Personne ne me croit quand je raconte des choses sur ma vie ». Stirman a quitté l’Argentine en 1978. Sa famille, d’origine juive mais athée, était « marquée » pour ses liens avec le Parti Communiste, mais il ne s’est pas seulement enfui à cause du climat terrible de la dictature. Il voulait partir. Il a travaillé comme acupuncteur en Espagne, où une cousine l’a accueilli avec ses amis, et tout un petit village l’a adopté comme médecin. « Certains m’ont attribué un miracle pour avoir guéri quelqu’un », se remémore-t-il. C’est là qu’il a commencé à exploiter son habileté manuelle pour fabriquer ses premières marionnettes.

Au début des années 80, un ami compatriote médecin l’a invité à venir à Paris, où il a fréquenté des cercles médicaux, étudié le français et flirté avec les neurosciences, mais ce qui lui a donné l’indépendance économique, c’est de s’installer à Saint-Germain-des-Prés avec son « Théâtre de rue ». Depuis, il a voyagé à travers toute l’Europe et une partie de l’Afrique avec ses dix spectacles de marionnettes et son duo de clowns. Toute une vie pour analyser ses deux cultures. « Je crois qu’il y a quelque chose de très fort entre les Argentins et les Français. Tant les Français que les Argentins pensent être le centre du monde. Mais il y a une chose qui nous différencie : c’est que les Français ne le sont pas », dit-il en souriant.

Stirman va-t-il acheter un billet d’avion ? Non, il a la solution : envoyer un autre de ses amis pour avoir l’impression qu’une partie de lui est représentée à la table. « Non, Diego », disent les organisateurs des retrouvailles de volley depuis Buenos Aires. S’il ne peut pas être là, il est hors de question d’envoyer quelqu’un d’autre. « Je les comprends, ils se réunissent là-bas parce que c’est leur vie et ce n’est plus la mienne. Avec la distance, il est difficile d’entreprendre quelque chose en commun. » Le marionnettiste convoque Borges pour surmonter sa frustration : l’amitié n’a pas besoin de fréquence, cite-t-il. Lui sait que ses amis se comptent sur les doigts d’une main. Avec eux, il peut parler par signes et se connaissent les mots de passe. Il prend son téléphone et appelle l’un d’eux.

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