Des baleines en hiver et des pingouins en été. Durant toute l’années, le bestiaire le plus complet du sud des Amériques, au bord de la mer et de ses golfes, ou s’aventurant dans l’immense steppe et ses vallées.
Lorsque les premières familles galloises sont descendues du voilier Mimosa, en juillet 1865, elles ont cru être arrivées dans une sorte de paradis, ou du moins dans une terre promise. Elles ont jeté l’ancre et se sont installées tout près de ce qui est maintenant Puerto Madryn, au fond du Golfo Nuevo, un endroit à l’abri des fureurs de l’Atlantique Sud. Pendant les premiers mois, elles ont dû affronter l’hiver austral, blotties dans les grottes côtières, dans un lieu qu’elles ont baptisé Penrhyn yr Ogofâu (Pointe des Grottes). Ce site fait maintenant partie des circuits touristiques qui parcourent Puerto Madryn, et trouve sa place dans la mémoire des téléphones des touristes, aux côtés des panoramas de la ville et de sa baie, des détails de l’exposition du Musée du Débarquement et des gros plans de la statue de l’Indien Tehuelche, érigée en 1965 pour le centenaire de la colonie.
L’endroit où étaient arrivés les Galois deviendrait leur paradis, mais il a fallu plus d’un siècle pour le concrétiser. Le manque d’eau a poussé les familles galloises à fonder Y Wladfa – la Colonie – plus loin de la côte, dans le bassin sinueux de la vallée du río Chubut. C’est là qu’elles ont construit leurs maisons, fondé des écoles, érigé des temples, transformé l’eau en blé, se sont liées d’amitié avec les Tehuelches et ont organisé des concours de chant et de poésie (qui existent encore aujourd’hui, tout comme la langue galloise). Au cours des 150 dernières années, Madryn est passée du statut de colonie précaire à celui de puissant port industriel. Mais ce n’est qu’au début de ce nouveau XXIe siècle qu’elle est devenue le paradis touristique que recherchent aujourd’hui des centaines de milliers de visiteurs chaque année.
« Sobran los motivos »
Comme le dit la chanson de Sabina, « sobran los motivos » (« les raisons ne manquent pas »…) et Puerto Madryn semble tout avoir : une histoire originale, un cadre naturel exceptionnel, une diversité intéressante et un bon niveau d’infrastructures. Pour le dire dans le jargon de guide touristique, c’est une ville où il y a de nombreuses activités, beaucoup de sites à voir, de bons restaurants, de savoureux produits gastronomiques, des musées où passer des heures et, bien sûr, des rencontres nez à nez avec autant d’animaux qu’on peut l’imaginer, dans l’air, sur terre et dans l’eau. Pour couronner le tout : Saint-Exupéry y a laissé quelques traces et des souvenirs indélébiles dans l’esprit de tous les enfants – petits et grands – ayant lu Le Petit Prince.
Le printemps, entre les mois de septembre et novembre, est peut-être le meilleur moment pour découvrir cette Arche de Noé, suspendue entre mer et steppe, dans l’un des coins les plus oubliés de la planète. À cette période, les températures commencent à monter, mais ce n’est pas pour une question de météorologie qu’il faut organiser le voyage à cette époque : il s’agit en réalité de rencontrer les deux stars locales, qui ne se croisent pas le reste de l’année : les pingouins et les baleines franches australes.
Ces dernières commencent à arriver dans le Golfo Nuevo au milieu de l’automne et laissent entrevoir leurs queues dès le mois de mai. À ce moment-là, les pingouins sont déjà partis et ne reviendront pas avant octobre, pour commencer à préparer leurs nids et passer l’été, prenant soin d’une nouvelle couvée d’héritiers. Quant aux autres acteurs, secondaires mais non moins captivants (lions de mer et éléphants de mer, oiseaux et guanacos) ils sont presque toujours là. Il suffit de savoir les observer, généralement sur la côte de la Péninsule Valdés, l’un des caprices les plus étonnants de la géographie : une île qui n’a pas voulu l’être et cache en son centre des dépressions de plus de 40 mètres au-dessous du niveau de la mer, parmi les plus prononcées du continent.
Des baleines et un boa en vue
Le seul village de la Péninsule est Puerto Pirámides. Comme son nom ne l’indique pas, il n’a ni port ni pyramides, et pour mettre les bateaux à l’eau, il faut les pousser depuis des plateformes avec des tracteurs. C’est la méthode qui prévaut dans le seul point autorisé pour organiser des sorties embarquées d’observation des baleines, entre juillet et décembre. Les bateaux, les zodiacs et les catamarans naviguent pendant environ une heure et demie et les rencontres sont garanties presque à 100%, en raison du grand nombre de cétacés qui passent l’hiver et viennent mettre bas dans le Golfo Nuevo.
Pendant le trajet vers Puerto Pirámides, on traverse l’Isthme Ameghino d’un bout à l’autre. Ce pont naturel, qui relie la Péninsule et le reste du Chubut, abrite dans son centre d’interprétation une réplique à taille réelle du squelette d’une baleine franche australe, ainsi qu’une intéressante exposition didactique sur la flore et la faune locales. Depuis ce point, un petit sentier mène à un point panoramique sur l' »autre » golfe, celui de San José. Non loin de la côte, une île attire l’attention : l’Île aux Oiseaux. Elle a une forme très singulière et il ne faut pas chercher longtemps dans nos souvenirs d’enfance pour comprendre qu’elle a la même silhouette que le boa qui a avalé un éléphant… C’est ce paysage qui a inspiré à Saint-Ex’ l’un des plus fameux passages du Petit Prince. L’auteur avait visité les lieux lors de ses voyages réguliers en Patagonie à l’époque de l’Aéropostale. Le boa, un animal de plus de l’Arche de Madryn.
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El Doradillo
Cette plage se trouve à 18 kilomètres au nord de Puerto Madryn. Ce n’est pas un endroit où se baigner, mais où observer les baleines – mères et petits – qui nagent souvent très près de la côte et « amusent la galerie » avec des coups de queue et des jets de vapeur d’eau. El Doradillo figure régulièrement parmi les meilleurs sites naturels du monde. Son accès est gratuit et il suffit d’apporter de l’eau, des lunettes de soleil et un bon manteau pour profiter du spectacle. Il y a aussi beaucoup de guanacos, de nandous, de renards, de maras et d’oiseaux marins dans la même zone.
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La faune de Madryn
- Observation des lions de mer et des éléphants de mer : à Punta Norte, toute l’année. Aussi dans plusieurs autres endroits, comme Punta Cantor. C’est là même qu’il est possible, bien que peu probable, de voir des orques s’échouer sur la plage pour chasser les petits des lions de mer.
- Pingouins : à Punta Tombo, plus au sud, et sur certaines plages de la côte de la Péninsule.
- Guanacos, maras, renards, tinamou et nandous : très présents dans la réserve naturelle de la Péninsule, mais aussi dans toute la steppe de la région.
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Des activités pour tous les goûts
- Plongée et exploration sous-marine : Madryn est la capitale argentine pour cette activité. Les eaux sont très claires, avec une excellente visibilité. De plus, des sorties spéciales sont organisées pour nager avec les lions de mer.
- Kayak avec les jeunes lions de mer : dans les eaux calmes du Golfo Nuevo, en laissant ces curieux animaux s’approcher.
- Écotourisme : VTT, trekking, randonnées à cheval, promenades en 4×4 le long de la côte ou dans la steppe.
- Dauphins : en été, les sorties dans le golfe vont généralement à la recherche de groupes de dauphins, car il n’y a plus de baleines.
- Astrotourisme : c’est une activité en plein développement. Pendant la saison des baleines, dans la zone d’El Doradillo.
- Écocentre : l’un des principaux musées argentins, avec des expositions permanentes sur l’Atlantique Sud et la faune de la région.
- Colonies galloises : des visites sont organisées jusqu’à Gaiman, Dolavon et Trelew, pour découvrir les bâtiments emblématiques, liés à la colonisation galloise. Il y a aussi un circuit des Chapelles Galloises et à Trelew se trouve l’un des musées paléontologiques les plus étonnants des Amériques.