Loin des ovnis et inspiré par la pandémie, un nouveau territoire a commencé à se déployer devant les yeux des voyageurs aventureux. La destination ? Aussi cliché que cela puisse paraître, les étoiles.
«Poulet au disco au milieu de nulle part, en pleine nuit.» Cette fois, ce «nulle part» fait référence aux Salinas del Gualicho, un désert blanc de 430 km² qui, en plus d’être le plus grand d’Argentine, se trouve à environ 60 km de la station balnéaire de Las Grutas, dans le Río Negro, en Patagonie du Nord. Pour en revenir au poulet et au milieu de nulle part, c’est une belle excuse pour faire une première approche des ciels sombres. Pour que l’expérience soit optimale, il faut accepter deux faits concrets : il n’y a pas de signal de téléphone portable et le regard met quelques minutes à se rendre à la splendeur de la nuit.
Cette sortie est en groupe, donc en plus d’apporter des vêtements chauds, de l’eau et des chaussures confortables, il faut venir avec le mode social activé car l’excursion est si bonne qu’il y a des gens de tous âges. Vers quatre heures de l’après-midi, un bus avec une capacité de plusieurs personnes vient nous chercher devant le casino situé au centre de Las Grutas et après un peu d’asphalte et quelques minutes de chemin de gravier, nous arrivons pour nous promener dans ce paysage blanc qui ressemble à un continent antarctique fait de sel, mais qui est en réalité une mine de sodium. Nous arrivons juste à temps pour voir le coucher de soleil. Maintenant, nous sommes vraiment sur une autre planète.
«C’est la plus spectaculaire de toutes les excursions, elle est très romantique», c’est ainsi que Fernando Skliarevsky me l’a vendue il y a quelques mois. Avec son frère David, ils s’occupent de préparer le poulet au disco avec des frites, pendant que nous, les touristes, sommes éblouis par les lumières que nous découvrons dans le ciel. Nous avons eu de la chance car la nouvelle lune permet à Mars et Jupiter de briller encore plus. Avec un pointeur laser, le guide indique les différentes constellations de la Voie Lactée et nous interdit de raconter la véritable histoire des Salines Gualicho. Quelques minutes plus tard, le repas est servi. Un délice. Certains choisissent le menu végétarien, mais presque tous les adultes boivent du vin. Et c’est là que commencent les autres histoires : qui n’a pas confondu le petit train de satellites d’Elon Musk avec une visite intergalactique ?
Vers minuit, nous rentrons avec les yeux pleins d’étoiles, comme si nous avions découvert le ciel pour la première fois. Il serait peut-être bon de revenir à cette visite après 9 lunes : en plus de bien cuisiner, les frères organisent des fêtes de Nouvel An et de Saint-Valentin dans les salines. «La fête de fin de saison en mars est un vrai délire.» Ok, noté.
Lumière de galaxie
En continuant le parcours, après environ cinq heures de bus vers l’ouest, en direction de Bariloche, on arrive à General Roca, une ville connue pour être une ville de transit. Ceux qui conduisent depuis Buenos Aires en direction de la Cordillère y passent une bonne nuit de repos et c’est tout. Mais depuis la pandémie, quelque chose a changé et aujourd’hui, on propose des sorties d’astrotourisme qui rendent le séjour beaucoup plus intéressant.
«J’aime dire que nous sommes des guides du ciel», commente fièrement Amanda Manriquez. Lors de cette sortie, on nous propose une observation récréative d’un ciel nocturne clair, voyons voir. Bien qu’il ait fallu attendre que les nuages se dispersent un peu, nous avons pu appliquer les techniques qu’on nous enseigne pour prendre une photo créative et présentable du ciel nocturne avec un téléphone portable. La bande étoilée de la Voie Lactée est très jolie, mais il faut s’entraîner.
Le lendemain, en s’approchant par la route longeant le Río Negro qui borde la Cordillère des Andes et à 23 km de Bariloche, une autre façon d’observer l’univers attire mon attention. C’est l’histoire de Daniel Chiesa, un amateur qui, pandémie oblige, s’est lancé dans la construction de son propre observatoire à Ñirihuau Arriba, un hameau rural situé à 23 km de Bariloche. Il fait froid et il n’est pas si tard.
D’après ce que dit Daniel, nous avons eu beaucoup de chance avec la nuit dégagée. Le seul inconvénient de cette latitude est qu’il y a des saisons très nuageuses, Bariloche est très proche de l’océan Pacifique, l’air humide se refroidit dans la Cordillère et cela provoque la formation de nuages et de pluies.
Nous entrons dans l’observatoire boutique et après une introduction, la visite des constellations du Scorpion et du Sagittaire commence. C’est incroyable ce que peut enregistrer le télescope Celestron de 20 cm : «La lumière de cette galaxie a mis 60 millions d’années pour atteindre la Terre, cette lumière a commencé à voyager quand les dinosaures étaient encore sur Terre», explique Daniel et nous, les visiteurs, restons stupéfaits.
Quelques kilomètres au sud, Chubut Explorers propose une promenade qui commence pendant la journée avec un tour des lacs, des montagnes et se termine par un tour du paysage nocturne à Trevelin, foyer du Parc National Los Alerces, sa saison des tulipes en octobre, entre autres merveilles naturelles. L’intéressant dans ces sorties, ce ne sont pas seulement les ciels, mais aussi les gens qui s’y consacrent, ils ont tous une connexion très spéciale avec la Terre.
Une promenade sous les aurores australes
«C’est comme ça, regarder le ciel nous connecte à quelque chose de plus grand que nous-mêmes». C’est ce qu’affirme Paula Hazembiler, une artiste visuelle de Chubut qui, par son travail, aide à défendre les ciels sombres face à l’avancée de la pollution lumineuse.
Photographier les dernières aurores australes qui ont été possibles grâce à d’énormes tempêtes solaires a été toute une surprise pour Paula : «J’étais à Puerto Madryn. Il avait été nuageux mais je suis allée à la plage et à un moment, ça a commencé à se dégager et c’était incroyable. On voyait les rideaux de lumières, j’ai visé le sud-ouest et j’ai pu prendre quelques photos qui sont devenues virales».
Los Antiguos, Santa Cruz
Maintenant, nous sommes dans la province de Santa Cruz et cela fait 8 ans que Melisa, alias Ojo Sideral, se consacre à montrer toute la beauté qui se déploie dans la nuit.
«Los Antiguos est un petit village magique au pied du plus grand lac de Patagonie qui, par son nom, dit déjà beaucoup de choses ; il nous parle du peuplement ancestral de la région et c’est la principale raison pour laquelle beaucoup de gens nous visitent», reconnaît-elle.
Avec l’aide des guides, dans les Grottes des Mains, on reconstruit la vie des chasseurs-cueilleurs qui habitaient cet endroit du sud aujourd’hui argentin. Chaque histoire a sa contrepartie dans le ciel et les éléments de ces humains se reflètent dans les constellations, la Voie Lactée, les planètes et les nébuleuses.
Nous arrivons à la fin du chemin en essayant de regarder le ciel comme le faisaient les anciens habitants de la Patagonie et en cherchant des civilisations sur une quelconque planète dans un futur lointain. L’espace et le temps nous unissent tous.
Encadré : balades vers les étoiles
– Pour arriver aux Salines du Gualicho, il faut prendre l’avion de Buenos Aires à Viedma et de là, c’est 176 km en voiture jusqu’à Las Grutas. On réserve le tour sur Deserttracks.com.ar.
– Pour continuer le voyage jusqu’à General Roca, il faut prendre la Route Provinciale 2 et rejoindre la RN22. Les paysages sont à ne pas manquer et @CaelumPatagonia.astroturismo propose des excursions guidées avec télescope et jumelles.
– Il faut contacter astropatagonia.com pour visiter l’observatoire près de Bariloche.
– @ChubutExplorers propose des expériences qui incluent des visites diurnes et nocturnes à Trevelin. @Paulahazembiler se consacre à promouvoir la conservation des ciels sombres.
– OjoSideral.com propose d’observer le cosmos comme le faisaient les premiers humains, à Los Antiguos, dans la province de Santa Cruz.
